Qu’est-ce que la néophobie alimentaire?
La néophobie alimentaire est très peu connue du public et même des professionnels de la santé. Si bien que la majorité des personnes qui en souffrent ne le savent pas!
Si vous aimez une quantité restreinte d’aliments, que l’idée de goûter à de nouveaux aliments vous rend anxieux et que cela a un impact sur votre vie sociale, vous souffrez fort probablement de néophobie alimentaire. À proprement parler, il s’agit d’une phobie, au même titre que la phobie des prises de sang ou des chiens. Dans le cas qui nous occupe, l’objet de la phobie est les nouveaux aliments. Pour le commun des mortels, un nouvel aliment peut être du sashimi de thon, du tartare de bœuf, du « fauxmage », de la pieuvre, etc. Pour le néophobe, un nouvel aliment est aussi banal que de la banane, du brocoli, un œuf à la coque, des noix, etc. Tout ce qui ne fait pas partie de l’alimentation extrêmement limitée du néophobe est considéré comme un nouvel aliment qu’il serait anxiogène de goûter. De fait, la liste des aliments qu’il refuse de manger est nettement plus longue que la liste des aliments qu’il consomme.
« S’attendant à être très incommodé par l’expérience d’un nouvel aliment, il éprouvera un état anxieux, de faible à très intense selon l’aliment. »
Typiquement, le néophobe craint qu’une conséquence très désagréable se produise après avoir goûté à un nouvel aliment. Il pourrait notamment éprouver un dégoût intense, se sentir malade ou vomir. S’attendant à être très incommodé par l’expérience d’un nouvel aliment, il éprouvera un état anxieux, de faible à très intense selon l’aliment. Étant particulièrement sensible aux textures et aux odeurs, il se peut que le néophobe évite par exemple les aliments aux textures crémeuses ou aux odeurs prononcées comme les poissons et les fruits de mer.
Un trouble qui peut causer une véritable souffrance
On observe plus souvent la néophobie alimentaire chez le jeune enfant, mais il arrive que le trouble perdure à l’âge adulte. Pour l’adulte, il s’agit d’un véritable problème à la fois sur le plan de la santé, de l’estime personnelle et de la vie sociale. En effet, l’alimentation du néophobe est souvent trop restreinte pour répondre adéquatement à ses besoins nutritionnels. Par ailleurs, il est rare que les aliments privilégiés par le néophobe soient « santé ». Il se limite généralement au fastfood, aux pâtes, etc. Il arrive même que la personne, carencée, soit en sous-poids et doive prendre quotidiennement des suppléments alimentaires.
« La néophobie alimentaire est généralement vécue comme une honte, car elle se heurte au jugement et à l’incompréhension des autres. »
Les répercussions de la néophobie alimentaire sur la vie sociale sont tout aussi importantes, d’autant plus que nous sommes dans une ère où la popularité des plaisirs gastronomiques est à son apogée. Le néophobe détone énormément face à l’engouement que nous connaissons actuellement autour du plaisir de la table. Et il le sait. De ce fait, la néophobie alimentaire est généralement vécue comme une honte, car elle se heurte au jugement et à l’incompréhension des autres. Il est vrai que sans connaître cette condition, il est difficile de se montrer empathique à l’égard d’une personne extrêmement anxieuse à l’idée de goûter du guacamole, du fromage de chèvre ou un potage à la courge. La personne néophobe est donc non seulement continuellement confronté à des situations phobiques (nouveaux aliments), mais aussi au jugement des gens. Il s’agit d’un gigantesque handicap social. Pensez-y : dans quelle proportion nos activités sociales, que ce soit entre amis, avec la famille ou en couple, se déroulent-elles autour de la nourriture? Dans une énorme proportion me direz-vous. Imaginez maintenant si la nourriture était une source d’anxiété et de honte combien votre quotidien serait difficile!
Face à n’importe quelle phobie, la réaction naturelle du phobique sera de faire de l’évitement. Il en est de même pour le néophobe, qui cherchera à se défiler devant une invitation à souper chez des amis ou une sortie au restaurant. Ses amitiés, mais aussi sa vie amoureuse, en souffriront. La néophobie alimentaire peut même être une cause de séparation. Le néophobe ne se sentira pas non plus libre de choisir la destination de son prochain voyage : « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir manger au Maroc? ».
« Le mot d’ordre est persévérance, constance et courage! Car il faut du courage pour faire face à nos peurs. »
Comment surmonter la néophobie alimentaire
La bonne nouvelle, c’est que ce trouble se traite bien. Comme pour les autres phobies, l’exposition à la situation phobique et la restructuration cognitive sont centrales dans son traitement. Le mot d’ordre est persévérance, constance et courage! Car il faut du courage pour faire face à nos peurs.
Voici quelques recommandations pour les personnes néophobes :
- Parlez-en à vos proches. En prenant le temps de leur expliquer ce qu’est la néophobie, ils seront plus à même de faire preuve de compréhension et d’empathie à votre égard. Le fait d’observer cette ouverture chez eux vous rassurera et diminuera votre sentiment de honte.
- Il y a probablement des aliments que vous avez déjà goûtés et trouvés plutôt bons (ou passablement bons) sans pour autant les avoir intégrés à votre alimentation. Essayez de les incorporer à votre quotidien. Y goûter une seule fois ne suffit pas.
- Apportez un petit changement aux repas et aux collations que vous mangez déjà. Plutôt que de toujours accompagner votre salade de la même vinaigrette, changez de vinaigrette ou ajoutez-y un nouvel ingrédient. Si vous aimez les smoothies, ajoutez à votre recette habituelle un nouveau fruit, un légume ou du yogourt. Plutôt que de manger tous les jours une barre tendre à la fraise, choisissez celle aux bleuets de temps à autre, même si vous la trouvez moins bonne.
- Osez goûter de nouveaux aliments. Évidemment, ne commencez pas par un aliment qui vous occasionne un stress aigu! Choisissez celui qui génère un tout petit stress que vous vous sentez capable de surmonter.
Comment aider un proche souffrant de néophobie alimentaire
- Privilégiez une attitude d’empathie, d’ouverture. S’il est difficile pour vous de comprendre les difficultés de votre proche, rappelez-vous qu’il s’agit d’une phobie. Avez-vous, vous-même, une phobie?
- Encouragez votre proche à goûter de nouveaux aliments en le lui proposant. N’insistez pas et n’exprimez pas de déception s’il refuse. Lui seul est à même de connaître le degré d’anxiété que cet aliment génère en lui et de savoir s’il est prêt à surmonter cette anxiété. Cela n’a rien à voir avec vos goûts personnels et ce que vous jugez bon.